Cérémonies et rituels du cacao sacré
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La structure du Tarot de Marseille
Le Tarot de Marseille est un jeu très ancien, datant très probablement du Moyen-Âge. Il est remarquable de constater que la structure même du jeu n’a pas évolué au travers les derniers siècles. Les archétypes, la numérotation, et l’organisation des cartes est restée strictement identique du plus ancien jeu connu (le Tarot de Marseille de Jean Noblet) aux dernières éditions parues.
De prime abord, on constate que le Tarot de Marseille est composé de deux sortes de cartes :
- Les arcanes majeurs
- Les arcanes mineurs
Les arcanes majeurs sont au nombre de 22, et on compte 56 arcanes mineurs, formant un ensemble de 78 cartes.
Si les arcanes mineurs sont très organisés (quatre séries de quatorze cartes, numérotées de l’as au dix + quatre figures) grâce aux enseignes (bâton, épée, denier, coupe), les arcanes majeurs semblent plus complexes à structurer.
L’histoire racontée par un narrateur interne
Pour comprendre l’organisation des arcanes majeurs du Tarot de Marseille, il est nécessaire de se pencher sur les archétypes qu’ils représentent. Ici, pas d’organisation mathématique ou hiérarchique à première vue, il faut creuser plus loin.
Une information prend toute son importance à cet instant : c’est la numérotation des cartes. Car les arcanes majeurs sont numérotés ! Ils ont donc un certain ordre, ne serait-ce que celui contenu dans leur cartouche.
L’on remarque alors qu’une des cartes… ne porte pas de numéro… Il s’agit du Mat, notre pèlerin avec son baluchon et son bâton de marche. Ce personnage semble à part, il erre tel un vagabond intemporel. Il est vêtu comme un troubadour, avec son costume de fou du roi. Quel était le rôle du fou au Moyen-Âge ? Celui de raconter des histoires… Et si c’était lui le narrateur de l’histoire du Tarot de Marseille ?…
L’incroyable voyage du Mat à travers le Tarot de Marseille
Notre narrateur, sous la forme du Mat va donc nous conter une histoire. Il existe 21 arcanes majeurs, qui vont alors être séparées en trois ensembles de 7 cartes, formant ainsi un triple septénaire. Ces trois septénaires vont guider l’itinéraire du Mat allant du Bateleur jusqu’au Monde, en passant une étape à chacune des cartes.
Le premier septénaire : de la naissance à l’autonomie
Le récit commence, comme bien souvent, par une naissance, représentée par le Bateleur. Le pèlerin prend conscience de l’infinité de son potentiel, il découvre son environnement avec émerveillement comme le fait un tout jeune enfant. La Papesse transmet les premières connaissances, c’est l’éducation qui se met en place, ce qui apporte une sécurité affective, avec l’Impératrice, la figure maternelle, qui éduque, qui materne et qui protège. Le développement du jeune enfant évolue : son imagination se débride, il commence à avoir des idées, il conçoit, c’est l’émergence de sa pensée créatrice. Avec son père, l’Empereur, il concrétise ces idées. Le pèlerin enfin commence à construire et à travailler la matière. Il acquiert de l’assurance, son affirmation et sa confiance se développent. Il devient acteur de sa vie. Le Pape est un père spirituel pour lui, qui va alors lui transmettre la raison, la morale, et ainsi faire naître dans son esprit une pensée critique. Il lui enseigne également le pardon et la tolérance. Le pèlerin en aura bien besoin, car avec l’Amoureux, c’est l’heure de faire ses premiers choix, de prendre ses premières décisions. Il va découvrir le libre-arbitre, les doutes, les hésitations et les remises en question induites par son esprit critique de plus en plus avisé. Il devra se pardonner ses propres erreurs. Pour finir ce septénaire, il monte dans le Chariot, et après bien des hésitations, c’est une victoire face à ses doutes. Le Mat n’est plus un enfant, il détient les clés pour affronter la vie adulte.
Dans ce septénaire, le Mat passe donc de la naissance à l’autonomie : après une petite enfance choyée auprès de sa mère qui comble ses besoins affectifs, il s’affirme et construit sa personnalité auprès de son père. Cette éducation complète et équilibrée le mène à une certaine autonomie ainsi qu’à un besoin d’émancipation salutaire.
Le deuxième septénaire : de la vie matérielle aux premières épreuves
Le pèlerin est maintenant prêt à entrer dans la vie adulte pour expérimenter tout ce qu’il a appris durant son enfance (le premier septénaire). Il découvre en premier lieu les lois, le principe d’équité, mais également les sanctions avec la Justice. Ce système juste mais complexe nécessite du temps et de la patience, comme le montre l’Hermite. Ce dernier invite le Mat au retrait et à l’introspection. Ainsi s’acquièrent la sagesse et un meilleur rapport au temps. Après cette pause bénéfique, le Mat reprend son cheminement, et prend conscience de l’instabilité du monde qui l’entoure, de ses rythmes multiples et de la notion de cycles. La Roue de Fortune lui dévoile également que l’univers fait l’objet de hasards et de chances qu’il faut apprendre à saisir. Il comprend qu’il devra faire preuve de courage pour garder le contrôle sur les évènements comme le suggère la Force. Cependant la maîtrise de son geste et de son esprit sera indispensable pour ne pas perdre pied. Et c’est précisément la mise à l’épreuve proposée par le Pendu qui, pieds et mains liés, met le pèlerin sens dessus dessous. Il n’a d’autre choix que de s’abandonner à l’épreuve, et subir cette immobilisation. Cette première confrontation aux obstacles de la vie lui enseigne le renoncement et le sacrifice, ce qui lui coûte : il ressent la souffrance, et sa transformation sera définitive. L’Arcane Sans Nom représente alors la perte et la séparation, ce que notre pèlerin doit laisser derrière lui pour enfin poursuivre son chemin. Le deuxième septénaire s’achève avec la Tempérance, un ange gardien, qui pose sur le Mat son regard bienveillant. Il lui apportera l’apaisement, l’aidera à mieux gérer ses émotions et lui permettra de prendre le recul nécessaire pour clore ce chapitre douloureux.
Cette deuxième partie est consacrée à l’expérimentation de la vie matérielle, avec tout ce qu’elle peut impliquer. Après avoir pris conscience des lois régissant le monde (la justice, le temps, le hasard), le Mat s’arme et se prépare à affronter ses premières difficultés. Celles-ci le transformeront à jamais et déclencheront chez lui un besoin de contact avec le monde spirituel.
Le troisième septénaire : de la vie spirituelle à l’atteinte de l’idéal
Le Mat est désormais un être expérimenté qui aspire à s’élever, il entre dans une nouvelle quête spirituelle. Il doit en premier lieu s’affronter lui-même, en réprimant ses pulsions, ses désirs et ses passions. Le Diable à ce stade en est l’image parlante. Les tentations sont nombreuses et le pèlerin doit réussir à se détacher de ses dépendances physiques ou matérielles. Cela ne sera possible qu’avec la violence de la Maison-Dieu, arrachant brusquement l’orgueil et l’arrogance du Mat, pour qui la chute est rude. Il en ressort fragile et faible, comme l’Étoile, dans le dénuement le plus total. L’humiliation est grande, mais c’est d’elle que va naître la vertu d’humilité. C’est alors que l’espoir renaît, et le pèlerin va déployer toute son énergie et enfin trouver la foi. Il entrevoit à ce moment le monde spirituel et se connecte à son inconscient. Ce dernier, représenté par la Lune, est empli de peurs, de rêves et d’illusions. La nuit est sombre, et il peine à y voir clair. Du songe à la réalité, il n’y a qu’un pas, et le pèlerin se perd dans la contemplation des reflets. Heureusement pour le Mat, le jour se lève et le Soleil apporte tous les éclaircissements dont il avait besoin, lui permettant de trouver enfin le bonheur. Sa joie est palpable, il rayonne jusqu’à embellir la vie des autres. Après quoi, c’est l’illumination, l’heure du Jugement. Le pèlerin réalise son ascension spirituelle et accède enfin à une conscience supérieure. C’est une forme de renaissance pour lui. Il arrive au terme de son voyage. La carte du Monde symbolise son accomplissement, le Mat a trouvé son idéal, parfait et harmonieux. Il achève sa quête spirituelle dans un état de pleine conscience et devient dès lors un être complet et accompli.
Durant le troisième et dernier septénaire, le Mat commence une quête spirituelle au cours de laquelle il devra faire face à ses propres défauts, qu’il surmontera par l’échec. Après sa chute, il se reconstruira de nouveau, grâce à sa foi et ses espoirs, et réalisera enfin son élévation spirituelle. Il parvient à atteindre un idéal de perfection et d’accomplissement.
Une histoire sans fin…
L’histoire semble s’achever ici. Et pourtant, dans son périple le Mat a bien appris une chose : la vie est constituée d’une suite continue d’événements, de rebondissements, de hasards et de chances. À l’image de la Roue de Fortune, le Tarot de Marseille est un cercle : à la fin d’un cycle, un autre prend le relais et ainsi de suite.
Le Mat est donc bien un éternel vagabond, et son périple n’est jamais complètement terminé. Le Tarot de Marseille révèle son ultime message : la vie est bien une infinité de cycles, que nous traversons tel le Mat, encore et encore, jusqu’au terme de chacun d’eux, et ce jusqu’à notre mort.
Mais qui sait ce qui se trouve de l’autre côté du voile…